dimanche 23 novembre 2003

La musique de Toru Takemitsu. La musique contemporaine et sa mélodie brisée, éparse, est bien à l'image du monde. Avant l'art était religieux, la musique aussi. Il y avait un sens, une ligne, on donnait un point de départ et un point d'arrivée, quelques échappées entre, rondos d'arabesques, pirouettes, on retombait toujours sur la bonne ligne d'arrivée. L'écoute de la musique atonale n'est plus un hymne à l'Histoire humaine mais elle laisse échapper son désordre. La musique contemporaine se lit comme le désordre du monde, des manchettes de presse, du bruit, des voix, des coups de canon, c'est comme si l'on zappait sur toutes les chaînes du monde. Dans tout ce collage assemblé on cherche une cohérence cachée, on y croit, comme à l'écho du big bang qui ronfle dans l'univers, ronronnement rassurant de chaudière qui nous dit que la maison n'est pas morte.

Mais la musique de Takemitsu est buccolique. Il y a un génie japonais qui met autant d'importance à poser le pépiement d'un oiseau sur la trame d'une histoire que la tragédie d'un homme. Je ne sais si c'est à cause du shintoisme. Un monde fait d'une foule de petits génies, parfois entre eux discordant, doit ressembler à ça, cette musique de sons concrets. La flûte s'élève, vacille, retombe, avec autant d'apparent hasard que la course d'une feuille morte dans le vent. Une corde basse gronde, gronde, la voix d'un crapaud et puis se tait, sans motif invoué ni pour son surgissement ni pour son effacement.

Dans la musique modale, il y a comme une recherche enfiévrée de sens. Elle fait éclater les peines humaines, joie, tristesse, victoire, pleurs, deuil, tendresse brûlante, tout cela est ligible, intelligible, ressenti d'emblée, tout cela se porte à notre hauteur. La musique amodale nous laisse suggérer que peut-être il n'y a pas de sens. La flûte de Takemitsu nous ramène à la vacuité apparente qui doit réveiller. On apprend plus à s'écouter on écoute le monde. Se fier à la voix du crapaud.

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Dans la vie on prend toujours le mauvais chemin au bon moment. Dany Laferrière.