lundi 5 janvier 2004


Sur l'éternelle question de savoir ce que les gens d'alors savaient :

"On évoqua aussi, une fois de plus, les tunnels à gaz où pénétrèrent des trains chargés de Juifs. Ce sont là des rumeurs, que je note en tant que telles ; mais des meurtres sur une grande échelle doivent sûrement se commettre."

Et ensuite, ces phrases serrées et denses de dégoût et de désespoir :

"Je songeai alors au brave potard de la rue Lapérouse et à sa femme pour qui il s'était tant inquiété, jadis. Quand on a connu des cas individuels et qu'on soupçonne le nombre des crimes qui s'accomplissent dans ces charniers, on découvre un tel excès de souffrance que le découragement vous saisit. Je suis alors pris de dégoût à la vue des uniformes, des épaulettes, des décorations, des armes, choses dont j'ai tant aimé l'éclat. La vieille chevalerie est morte. Les guerres d'aujourd'hui sont menées par des techniciens. Et l'homme est devenu cet homme annoncé depuis longtemps et que Dostoïevski décrit sous les traits de Raskolnikov. Il considère alors ses semblables comme de la vermine, ce dont précisément il doit se garder s'il ne veut pas devenir insecte lui-même. Pour lui, et pour ses victimes, entre en jeu, le vieux, l'incommensurable : "Ce que tu vois là, c'est toi-même."


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Dans la vie on prend toujours le mauvais chemin au bon moment. Dany Laferrière.