mercredi 27 octobre 2004


"addenda à la dernière édition du livre"

1. Il est hautement réprouvé de se raser le visage, que ce soit avec des rasoirs à lame ou des appareils électriques ayant la même fonction."


mardi 26 octobre 2004

Délicieux Jankélévitch, quand il dit, sur le caprice de la Grâce, opposé au mérite laborieux, que "ces ascètes, ces jeûneurs, c'est dans l'enfer qu'on les rencontre."

Et comme dit Nietzsche, "- que la vertu dorme, elle se lèvera plus fraîche."

dimanche 17 octobre 2004

Intervention divine



J'ai bien aimé ce film. Il est provocant, léger, et moqueur. A côté de cette pléthore de mots, de fureurs, d'émotions, que suscite ce conflit dont tout le modne se mêle et sans finalement y connaître grand-chose, le silence de ce film, muet aux trois-quarts, est reposant. Il y a aussi une élégance détachée dans ce silence, dans le visage impassible de Suleiman, de son amante, une élégance comme une arme de guerre lorsqu'il s'agit de foudroyer un barrage d'un seul regard, ou bien de faire exploser un char avec un noyau de fruit jeté si négligemment, en toute innocence, derrière soi. A côté, les Israéliens apparaissent vulgaires et, il faut le dire, un peu cons. Mais on ne voit d'eux que la soldatesque, des soldats neuneus ou prêts à péter les plomb dans leur check-point. Partialité ? Oui, si l'on veut, (après tout peut-on demander à un occupé de compatir psychologiquement à la misère de l'occupant...) mais surtout justesse de vue, car dans une occupation, tout ce que l'on voit, que l'on connait de l'ennemi, c'est ce soldat-gendarme encore plus empêtré dans sa peur et sa consigne que les Palestiniens dans leurs chek-point. L'élégance ironique de jouer avec toutes les peurs que l'on suscite : le ballon rouge et grimaçant à l'effigie d'Arafat, qui affole le barrage, survole la ville, et va se fixer au dessus du Dôme du Rocher : bouh ! la menace arabe... la carte de la Palestine qui sert de bouclier à l'héroïne en panoplie de kamikaze, dans une scène désopilante à la Jackie Chan. La scène du feu rouge avec l'Israélien à tête de beauf, il faut dire, drapeau sur sa voiture et kipa sur le crâne, et l'autre qui met ses lunettes noires et en rajoute dans le bouh je te jette un sort ! et le regard des deux conducteurs par delà leur vitre, et aucun ne veut redémarrer et céder, et la file de voitures derrière, bloquée comme toute la diplomatie internationale par ce micro-conflit dans un territoire de poche. Le jeu des mains dans la voiture, (qui ne s'arrête pas aux mains d'ailleurs, j'en sais quelque chose, jeux de mains, jeux de tigers, le tout est d'avoir l'air innocent, impassible, jeux d'amoureux traqués par les yeux...) .

ça peut énerver. Parce que c'est un pied de nez, pas un machin larmoyant et politiquement correcte sur la paix et la fraternité et soyons tous de bonne volonté... Mais la moquerie c'est de bonne guerre en temps de guerre. Surtout quand la plaisanterie est fine.

"Il ne lui parlait jamais de ses difficultés et elle ne s'étendait jamais sur la lutte qu'elle devait mener pour vivre. Leur confiance réciproque rendait toute explication inutile, et leur parfaite entente se maintenait sans protestations de reconnaissance ou de regret. Il se serait senti heurté si elle avait soudain décidé de le remercier ouvertement, mais il trouvait tout à fait naturel qu'elle lui dît qu'elle avait besoin de deux cents livres."

"Mais quel travail ? Il était prêt à sauter sur n'importe quoi d'honnête, à condition que l'occasion se présentât vite ; car il fallait conserver les cinq cents livres intactes pour toute éventualité. C'était là l'important. Avec les cinq cents livres non entamées on avait l'impression d'avoir quelque chose de solide derrière soi ; mais il lui semblait que, s'il laissait cette somme se réduire à quatre cent cinquante ou même à quatre cent quatre-vingt livres, cet argent perdait toute efficacité, comme si quelque pouvoir magique s'attachait à ce chiffre rond. Mais quelle sorte de travail ?"


mardi 12 octobre 2004


"C'est l'heure : Hora ! Tout à l'heure, il sera trop tard, car cette heure-là ne dure qu'un instant. Le vent se lève, c'est maintenant ou jamais. Ne perdez pas votre chance unique dans tout e l'éternité, ne manquez pas votre unique matinée de printemps."




"je sais que je ne sais pas et j'ignore ce que je pressens, je sais avant de savoir."

"je ne dirais même pas : "Je ne sais quoi", si, d'une certaine manière, je n'en savais long, si je n'étais déjà en quelque mesure dans le secret."

"Deviens ce que tu es ne signifie pas :"inutile de devenir puisque tu es déjà ce que tu pourrais devenir", mais bien plutôt : deviens à l'infini, puisque l'homme n'est jamais en acte tout ce qu'il pourrait être. Mon être ne m'est jamais acquis une fois pour toute, inaliénablement."


dimanche 10 octobre 2004

" - Il est né coiffé.
Cette expression s'applique à une personne constamment heureuse, par allusion à la membrane appelée coiffe qui enveloppe la tête de quelques enfants, au moment de leur naissance, et qui a été regardée, dans tous les temps et chez presque tous les peuples, comme un présage de bonheur. Les Grecs tiraient de cette coiffe, nommée amnion dans leur langue, l'augure favorable de l'amniomancie. Les sages-femmes de Rome, dit Lampride, la vendaient très cher aux avocats, persuadés qu'en la portant sur eux comme une amulette ils seraient doués d'une éloquence irrésistible qui leur ferait gagner les causes les plus difficiles. Nos pères pensaient qu'elle était une marque visible de la protection céleste. "

Pierre-Marie QUITARD . Dictionnaire des proverbes et des locutions proverbiales,1842.


Je suis née coiffée. Comme ma soeur et mon frère, d'ailleurs; curieuse couvée.

Depuis qu'Otar est parti



Depuis qu'Otar est parti. Il y avait longtemps que je ne m'étais pas pris une telle claque cinématographique. La grande baffe, quand on ne sait pas si on rit on pleure et en fait les deux. Et puis tout ça m'est tellement familier, ces maisons et ces rues en pentes, ces jardins et ses coqs en pleine ville, et l'électricité toujours en panne, et c'est bien de filmer le noir, d'ailleurs c'est que ce je retiens, ces scènes bleu-noir, rouge-noir, ce noir qui fait écarquiller les yeux pour identifier les scènes, les corps, les lieux, mais c'est ça de vivre si souvent dans le noir parce que ça coupe souvent, et l'eau qui s'arrête sous la douche, et cette chaleur et cette tristesse, et ce mensonge qui finalement devient un chant de vivre et puis... en fait je ne sais si je suis rentrée triste ou gaie de ce film et je crois bien que c'est les deux, et dès que j'ai vu les images de la Géorgie j'ai eu le coup de foudre, et j'ai eu envie d'aller là-bas, d'y rester un peu, un temps.
Cela m'irrite de trouver dans des essais de philosophie des citations grecques ou latines non traduites. Sous-entendu : pour prétendre lire de la philosophie, être au moins capable de lire du grec et du latin dans le texte ! Eh bien je trouve ça d'un cuistre... C'est comme si nous, orientalistes, ne nous donnions pas la peine de traduire nos citations arabes, persanes, syriaques... sous prétexte que "on ne va pas expliquer le soufisme à des imbéciles qui ne savent que le grec et le latin..." Cuistrerie de clerc, oui. Je préfère le moinillon qui s'usait les yeux et les tendons du poignet et de la main à traduire et copier des traductions. Il n'y a pas de noblesse du savoir sans accessibilité. On ne cache pas un texte, on ne le voile pas. Comme pourrait dire un chiite, que le zahir/l'apparent soit le plus ouvert possible, le batin/le secret n'en sera que mieux caché.

Dans la vie on prend toujours le mauvais chemin au bon moment. Dany Laferrière.