lundi 31 janvier 2005

L'Ange de l'épaule droite


Film moyen en somme, je suis un peu étonnée des commentaires très approbateurs autour. Pas un mauvais film, mais qui reste en deçà de ce qu'aurait pu donner l'histoire. Je pense à ce qu'en aurait fait un Iranien, tiens. Dans cette historie où tout le monde ment, il manque justement la fantaisie, ou l'émotion, enfin des personnages vivants, comme dans Depuis qu'Otar est parti. Là, les acteurs semblent porter des masques de granit, le fils, la mère. Seul le gosse crève l'écran, mais ce n'est pas difficile d'animer un film un peu froid avec les yeux d'un gosse doué pour jouer. Enfin le Tadjikistan, vu comme ça, semble une terre triste. On n'est pas pour rigoler, il n'y a pas la poésie des Iraniens, la chaleur des Russes... juste la mafia post-soviétique. La partie la plus intéressante de l'histoire, le "passage dans l'autre monde" n'est pas assez poussée et tombe à la fin comme un cheveu sur la soupe, au bout d'une histoire réaliste bien noire. On dirait presque un film de débutant.

vendredi 28 janvier 2005

Relisant la Bible, je suis frappée de voir à quel point tout ceci est mésopotamien. Et si l'Eternel est si atrabilaire et un brin casse-pieds avec l'humanité, c'est qu'au rebours des dieux mésopotamiens, il est tout seul, non pas unique, mais détaché des autres dieux, isolé, on dirait qu'il boude à l'écart. Donc pas de combats hasardeux contre des monstres, pas d'aventures amoureuses avec les déesses, pas de mort hivernale ni de renaissance printanière... On comprend que ça devait être ennuyeux pour lui et qu'il fallait bien qu'il se distrayât (?) avec le peuple qu'il avait sous la main et dont il exigeait l'exclusivité parce qu'il était jaloux (un petit peuple, dont personne ne se souciait, et dont on peut imaginer que le reste des dieux lui a cédé sans trop de soucis). Car le début de la Bible, au moins jusqu'aux Nombres, c'est ça, non pas la révélation d'un seul dieu à un peuple, mais le monopole sur un seul peuple d'un dieu asociable et grincheux, qui se comporte la plupart du temps en potentat cruel et vaniteux, comiquement intarissable sur la description de l'autel en or, en pierres précieuses, mesurant tant de coudées, etc., que l'on devra lui faire construire, sans ça, gare ! Car l'Eternel punit les enfants des coupables jusqu'à la troisième et quatrième générations, et il est miséricordieux (sic).

Finalement, si ce texte a eu tant de succès par la suite, ce n'est que par le biais de deux autres textes, qui furent quand même de grandes réformes religieuses, plus compatissantes et universalistes, à savoir les Evangiles, d'abord, et le Coran par la suite. Il n'y a que par ce biais-là que l'on peut "avaler" la Bible en tant que best-seller des livres sacrés, ça ne s'explique pas autrement.

En fait, ce qui m'amuse le plus dans cette relecture, c'est le souvenir des Ecritures de Cavanna qui se surimpose de façon irrésistible : la meilleure exégèse de la Genèse.



jeudi 27 janvier 2005

La merveilleuse sonate 1 en do opus 2 pour clavecin d'Edelman. Je dis merveilleuse pour la simplicité apparente, naïve et tendre de quelques mesures (con expressione) qui s'infléchissent et s'attendrissent. C'est le dernier souffle du gracieux 18° siècle. Après viendra l'emphase romantique, à qui il faudra un piano pour mugir.

Sur le CD de l'enregistrement de Sylvie Pecot-Douatte, le sous-titre est dans la même provocation fraîche :

Jean-Frédéric Edelmann
Musicien Strasbourgeois des Lumières
Victime de la Révolution française

Edelmann est un des compositeurs à qui l'on a pu attribuer l'air de la Marseillaise.

mercredi 26 janvier 2005


"La gare de Iaroslav. Le bruit, le ressac urbain de Moscou, de la ville qui m'était plus chère que toutes les villes du monde. Le wagon s'arrêta. Le visage de ma femme, ce visage que je connaissais si bien, m'accueillant de la même façon qu'auparavant, quand je rentrais de mes nombreux voyages. Cette fois, la mission avait été longue : presque dix-sept ans. Et, surtout, je ne rentrais pas de mission. Je revenais de l'enfer."


mercredi 19 janvier 2005

On s'en fout

Nous sommes 62 millions de Français.
"Guerres de religion

- Le plus grand progrès des masses fut jusqu'à présent la guerre de religion, car elle est la preuve que la masse a commencé à traiter les idées avec respect. Les guerres de religion ne commencent que lorsque, par les subtiles disputes des sectes, la raison générale s'est affinée, en sorte que la populace elle-même devient pointilleuse, prend des petites choses au sérieux, et finit même par admette que "l'éternel salut de l'âme" dépend des petites différences entre notions

Nietzsche, Le Gai Savoir,Livre troisième, 144.

mardi 18 janvier 2005

"Une résolution dangereuse

- La résolution chrétienne de trouver le monde laid et mauvais a rendu le monde laid et mauvais."

Nietzsche, Le Gai Savoir, Livre troisième, 130.

"La pierre, le Nord s'opposaient de toutes leurs forces à cette oeuvre de l'homme en refusant d'accueillir les cadavres en leur sein. La pierre qui devait céder, vaincue et humiliée, se promettait de ne rien oublier, d'attendre et de conserver le secret. Les hivers rigoureux et les étés brûlants, les vents et les pluies enlevèrent les cadavres à la pierre en six ans. La terre s'entrouvrit pour montrer ses dépôts souterrains, car les dépôts souterrains de la Kolyma, ce n'est pas seulement de l'or, de l'étain, du tungstène ou de l'uranium, mais aussi des corps humains non décomposés."

"Le bulldozer avait fait un tas de tous ces corps raidis par le froid, de ces milliers de corps, de cadavres semblables à des squelettes. Tout s'était conservé ; les doigts tordus des mains, les doigts de pieds purulents, les moignons des membres gelés, la peau sèche grattée jusqu'au sang et l'éclat affamé des yeux."


lundi 17 janvier 2005

Cette vieille femme roumaine, qui se fait inséminer des triplées, pour finir attend des jumelles, et finit par accoucher par césarienne d'une prématurée d'1kg4. Marrant de penser que dans la tradition apocalyptique, l'antéchrist doit naître d'une vieille femme, ce qui permit à la papauté de qualifier ainsi Frédéric II Hogenstauffen, né d'une femme qui avait la trentaine ! (32 ? 36 ?). Et de ce fait, un enfant né sans Eros a-t-il une âme complète ? Eros et non "l''amour" c'est-à-dire l'égoïsme de proto-parents en mal de surgeons, le véritable Eros, c'est-à-dire la pure tension physique érotique entre hétérosexuels, dont la trace n'est sans doute pas anodine dans notre psychée. Tout enfant vole la vie à ses géniteurs, Prométhée allumant le feu de sa propre naissance. Alors qu'en est-il de ces enfants d'éprouvettes créés sans jouissance ni coït, bébés-surgelés, tamagochi humains au fond, préfabriqués pour faire le bonheur de leurs "parents", ce qui est bien contre-nature ...

dimanche 16 janvier 2005

Hero





Vu Hero, tout à l'heure. Film que j'ai adoré, bien plus que Tigre et dragon encore. Film de chorégraphe, ballet d'amants-combattants, d'amants poissons-combattants. Jeu des couleurs intéressants pour chaque version, avec ce petit côté Rashomon "où est la vérité" mais que là, on découvre peu à peu, comme un oignon s'épluche.

jeudi 13 janvier 2005


"Un chagrin n'est pas vraiment aigu ni profond si on peut le partager avec des amis."

"Une grande indifférence nous habitait. Nous savions qu'il était en notre pouvoir de mettre un terme à cette vie si nous le voulions; et parfois nous décidions de franchir le pas, mais chaque fois, nous en étions empêchés par les petits riens dont la vie est faite: soit parce qu'on allait nous donner ce jour même l'autorisation de "cantiner" pour un kilo de pain en prime et qu'il aurait été tout bonnement stupide de se suicider un jour pareil, soit parce que le chef de la baraque voisine avait promis de nous donner de quoi fumer le soir en paiement d'une vieille dette."

"Nous étions tous habitués à respirer l'odeur aigre des vêtements sales et de la sueur - encore heureux que les larmes n'aient pas d'odeur."


dimanche 9 janvier 2005

La Nuit du chasseur



La semaine dernière j'ai vu La Nuit du chasseur. Longtemps avant de l'avoir vu, le titre me fascinait, car rien ne me passionne plus que le lien ambigu du chasseur et de la proie. Là, on n'est pas déçu, et Mitchum est un si beau chasseur... Aujourd'hui c'était Le Tombeau des lucioles. Ce dessin animé, c'est comme Jeux interdits, on pleure tout de suite et on sait que durant tout le film, ça ne va pas s'arrêter.

samedi 8 janvier 2005

Lors du troisième changement de peau

Déjà ma peau se craquelle et se gerce,
Déjà mon désir de serpent,
Malgré la terre absorbée,
Convoite de la terre nouvelle ;
Déjà je rampe, parmi les pierres et l'herbe,
Affamé, sur ma piste tortueuse,
Pour manger, ce que j'ai toujours mangé,
La nourriture du serpent, la terre !"

Nieztsche, Le Gai Savoir, "Plaisanterie, ruse et vengeance", Prélude, 8.
Trad. Henri Albert.

vendredi 7 janvier 2005


Ayé, on va encore nous nous gonfler. Une journaliste française disparue en Irak, et à chaque bulletin d'infos on va nous expliquer qu'on est tous otage aussi. Je me demande pourquoi ils ne font pas ça avec le tsunami, tiens : "tant que 150.000 personnes resteront noyées, vous l'êtes tous aussi."

lundi 3 janvier 2005


Dans Les Vertus et l'amour, phrase très drôle de Jankélévitch sur la charité :

"Les détracteurs de la charité se recrutent dans le même camp que ceux de l'humilité : parmi les biologistes partisans de la sélection naturelle, parmi les avocats de la dignité personnelle, et parmi les socialistes."

Dans la vie on prend toujours le mauvais chemin au bon moment. Dany Laferrière.