vendredi 6 mai 2005

La Jeune Fille à la perle












Le film La jeune fille à la perle m'a rappelé ce voyage que j'avais fait avec ma mère en Hollande, en mai 96, pour l'exposition Vermeer à la Haye. Relu les pages de mon journal d'alors :



"Amsterdam, le jeudi 2 mai 1996

Musée Van Gogh. Les premières oeuvres : portraits creusés, tourmentés, caricatures. Une lumière noire (en ce moment, Amsterdam est recouverte d'une buée grise).



Les Mangeurs de pommes de terre : le café noir, la tabagie, les pommes de terre. Une pauvreté crasse, sans joie, calfeutrée dans un intérieur. A côté de cela, la lumière grise, argentée, les personnages gracieux de Le Nain.

La lumière de la Méditerranée donnée à Van Gogh, d'un coup : quel choc, quel éclat !

Amsterdam est une ville coquette, vernissée. D'une certaine façon, elle ne fait pas vraie. C'est un décor. D'ailleurs la ville elle-même n'est animée que par les façades. Après un voyage de nuit assez pénible, nous avons débarqué à huit heures dans une ville grise, figée, avec des drôles de façades bariolées. C'est une ville d'intérieur, faite pour se calfeutrer. Grande différence avec Paris, où tout le monde est dehors. Par contre, les gens sont d'une amabilité stupéfiante.

Une ville où tout glisse si lentement, immobile dans le courant du fleuve. Un temps, des vies immuables, ordonnées. Un monde étouffant, en final.Même les allures bizarrement penchées des maisons ne créent pas une impression brouillonne, fantaisiste, mais l'idée curieuse du'ne ville en train de s'ensevelir tout en refusant d'y croire. Ou du moins en essayant de faire comme si cela n'était pas.

Les Souliers de 1889. A comparer avec les premiers. Un calme, un équilibre, une sérénité classique. Et pourtant, il les a peints de Saint-Rémy.

Très belle étude d'après Millet : une botteleuse ? de dos. Beauté sculpturale des femmes. Très difficile de réussir quelqu'un de dos en peinture.


Vermeer. La séduction incroyable de certains visages même pas beaux (Marthe). 



Ce visage allongé, mince, insolent, qui charme même par son absence de séduction (La jeune fille à la perle). Cela me rappelle le portrait d'Odette de Crécy peint par Elstir.



Emue aux larmes devant la Vue de Delft. Je pensais à Proust, à la mort de Bergotte.


Amsterdam, 3 mai 1996

Beaucoup de remarques de Diderot sur la Hollande sont encore vraies aujourd'hui : le nombre de chevaux, le peu de vie à l'extérieur.

Lorsqu'un peu de soleil éclaire la ville, elle devient charmante, dans une apparente fragilité de "maisons de poupées".

Le Mauritshuis de La Haye est un beau bâtiment. De la cafétéria, superbe vue sur l'eau, les bois, les canards.

Ni Amsterdam ni La Haye ne semblent être des capitales, ou même des grandes villes. "La Hollande, vaste village", reste d'actualité.

Haarlem. Les personnages noirs, plein de santé, de bonne conscience. Rigueur, efficacité. La Hollande du 17° s., dans le musée Franz Hals. Richesse, vertu. Une austérité chaleureuse et sombre, sécurisante. Rien à voir avec la pureté foudroyante et macérée des Espagnols. Quelque chose d'aimable. J'aime décidément l'atmosphère du 17° siècle. Propre à la méditation.


Paris, le 6 mai 1996

Le musée Franz Hals est une merveille, la reconstitution d'intérieurs et d'époques, om tableaux et objets d'art sont mêlés, ce qui évite la longue suite ennuyeuse de chefs d'oeuvre accrochés aux murs des grands musées.

Le samedi, coups d'éclaircie et d'ombre dans Amsterdam. Longue balade dans le quartier des canaux. Rijksmuseum l'après-midi. Mais nous étions tellement fatiguées que nous n'avons regardé que les Hollandais du Siècle d'Or.

Puis à nouveau, balade dans le Jordaan. Le train à 22 heures. Le voyage de retour fut bien plus confortable et les couchettes ne nous semblaient plus si dures après tant de marche. Arrivée à Paris à 6h23, sans problème."




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Dans la vie on prend toujours le mauvais chemin au bon moment. Dany Laferrière.