lundi 30 janvier 2006

La Folle sagesse




Hier, écoute For intérieur. Un inconnu (de moi, je ne connais jamais les invités de cette émission, pas plus que ceux des Vivants et des dieux. Bizarrement, mon panthéon se trouve plus dans les émissions d'Enthoven. Bref, un juif d'origine parlait de sa foi bouddhique, et son choix d'un maître déjà mort pourtant, Chogyam Trungpa. Des propos sur la chevalerie, les guerriers d'un Royaume, qui m'ont intéressée. Et aussi le fait que ce maître suive la Voie du blâme, la seule que j'aime vraiment, au fond. Celle du rieur à qui toute règle en vue de se faire bien voir de Dieu fait hausser les épaules, ils nous fatiguent ces bons croyants, ces bons élèves, qui font tout comme il faut et se satisfont si bien de leur méritante vertu, tout en conmtant bien au fond d'eux, que Dieu leur rende justement leur dû. Le fol en Dieu, ce serait plutôt : "Je T'aime mais je ne me ferai pas aimer par Toi en raison de mon obéissance." Et aussi : "Mon amour pour Toi ne sera jamais obéissance." Ce qui me fait penser à la phrase de Sollers, citée par Dominique Rolin : "Je danse sur ma vie qui t'appartient".

Déjà, en écoutant des chants soufis, hier, je pensais à cette tentation de l'âme, de me baigner dans la quête spirituelle, et le soufisme, cette échelle de lumière, ce ressort parfois qui vous fait sauter vers Dieu comme un bouchon de champagne est bien rafraîchissant... Mais ce n'est pas ma route, voilà, chez moi la quête spirituelle serait une facilité, une défaite, un renoncmeent déguisé.

Sinon le fait que Frabrice Midal n'ait pas eu d'autre choix que ce maître déjà mort me fait penser à mon coup de foudre pour Jankélévitch, là encore, mauvaise synchronisation des générations. Tant pis.

dimanche 29 janvier 2006

Argonautiques





"Ainsi, tantôt ils tenaient leurs yeux fixés à terre,
Et ils avaient honte, et tantôt ils se regardaient au contraire
Et doucement la joie riait sur leurs sourcils."

Apollonios de Rhodes, trad. Robert Brasillach.

samedi 28 janvier 2006

Sleepy Hollow


Fameux nanar. Au départ, cela semble bien parti, une enquête scientifico-policière sur le surnaturel, cela aurait pu donner un X File version 1799. Mais ensuite, et de façon très mal ficelée, plus de doute, plus de fantastique donc, on bascule dans le merveilleux et c'est une faute de mélanger les genres dans une histoire. Suspens et angoisse cassés, du coup. L'histoire d'amour nunuche, jouée sans convition n'arrange rien. Par contre la photo est très belle, suite de tableaux très peinture américaine au temps des Puritains.

vendredi 27 janvier 2006

Anthologie de la poésie grecque


Fantastiques traductions de Brasillach, n'hésitant pas à user de tous les registres pour rendre les calembours, les mots crus, la poésie... Lire tout Homère traduit par lui aurait été un plaisir ! Dommage qu'on l'ait fusillé au lieu de le garder au gnouf, il aurait pu tout faire, pour s'occuper.

Ainsi la pendaison des servantes infidèles à la fin de l'Odyssée :

"Télémaque se mit posément à parler :
"Il ne sera pas dit qu'une mort honorable vienne
Pour celles qui versaient le déshonneur sur la tête de ma mère et sur la mienne,
Et qui faisaient l'amour avec les prétendants."
Il dit, et il prit le câble de la barque dont bleu est l'avant,
Il le tendit du haut de la grande colonne autour du pavillon,
De façon que les pendues ne pussent toucher le sol du talon.
De même que les grives aux larges ailes ou les perdrix
Se heurtent au moment où elles veulent regagner leur nid
Au filet dressé dans le buisson, et elles sont prises au sommeil détesté,
Ainsi les filles ont leurs têtes bien en ligne, et toutes ont la corde, passée,
Jusqu'à ce qu'affreusement elles soient mortes, autour de leurs cous.
Et leurs pieds s'agitent un instant, - mais pas beaucoup."

Chant XXII.

jeudi 19 janvier 2006

La Passion du Christ

Vu le film de Gibson hier. Woah, quel film ! Moi qui hors cinéma, ai du mal à rester scotchée à ne rien faire d'autre devant des images, moi qui voulais me coucher tôt, ben je suis restée à la regarder jusqu'au bout, jusqu'à minuit. Et donc encore nase.

Première scène, dans les jardins des Oliviers, lumière bleutée, lune, tout ça fait très fantasy, on s'attend à voir arriver le loup-garou. Heureusement la langue araméenne qui claque, tout de suite. Qu'est-ce que cette langue est belle ! Pas étonnant qu'elle a régné dans tout le Proche et Moyen Orient des Akkadiens à la Conquête arabe (l'arabe dont la beauté a pu la détrôner). Bref, les pleurs, la peur, le démon, tout ça fait encore très SF, pas mal, ça rafraîchit et revivifie un peu les éternels reconstitutions poussiéreuses et respectueuses. Mais la beauté arrive très vite, au Temple. Jérusalem restituée et surtout ces juifs du temps de l'Empire romain, des acteurs crédibles enfin, bien typés, on dirait les chrétiens de Mésopotamie, ces tenues, des lumières dorées, l'assemblée des grands prêtres, attifés et majestueux comme des popes, d'ailleurs Caïphe rappelle la vieille grande-duchesse dans Ivan le Terrible.

J'aime aussi que le Christ a tout de suite la gueule amochée et la garde jusqu'au bout, parce que d'habitude c'est leur brushing impeccable que les héros hollywoodiens ne perdent jamais.

La sonorité des noms, Kefa, Yehuda, Yeoshua... Antisémite ce film ? Allons ! la beauté des scènes du passé, la vie quotidienne en Palestine, Marie comme cette Vierge de Messine, cette foule qui joue la foule, excitée par les prêtres ? Film anti-judaïque d'accord, comme les Evangiles, mais peut-on attendre du christianisme qu'il soit judéophile ? Un peu de sérieux. D'ailleurs, en restant devant l'écran, bouche ouverte et émerveillée, je me disais que c'est comme en écoutant les Passions de Bach, ça donne envie d'être chrétien au moins un moment, et puis là, finalement non, plutôt d'être judéo-chrétien, comme au tout début, ou alors chrétien d'Orient plutôt que catholique apostolique et romain.

Ceux qu'on amoche (moralement) le plus dans tout ça sont les Romains. Pilate est le moins antipathique, il joue bien le fonctionnaire fatigué de diriger cette province, le trou du cul du monde, remplie d'agités fanatiques et névrosés, et d'avoir en plus la hiérarchie sur le dos (César pas content). Les autres Romains, ce sont les soldats et les centurions, très bien vus pour ce qu'ils sont : pas les régiments d'athlètes à machoire conquérante et muscles d'acier à la Riefenstahl, mais des chevaux de retour usés par vingt ans de service, abrutis comme seule la vie militaire peut abrutir, gras du bide et édentés, ça me rappelle la scène racontée par Tacite où des légionnaires vétérans et révoltés par les fatigues des campagnes font toucher à leur général (Tibère ? Germanicus ?) leurs gencives nues et les cicatrices de leurs batailles.

Enfin, on a la scène classique du prisonnier qu'on lâche avec des rires gras parmi les dogues-troufions, même pas haineux, se réjouissant juste de pouvoir s'amuser un peu une après-midi. La scène se joue actuellement, à l'instant où vous lisez, dans quelques milliers de commissariat à travers le monde. On sent bien la rigolade du début, et puis l'échauffement de la brute qui finit par souffler des naseaux, excitée par le sang et les copains, jusqu'au déchaînement sadique et sérieux de la fin, classique lui aussi, une victime pantelante attise la rage, c'est comme ça, nous sommes de grands babouins atrabilaires.

Si Marie ressemble donc à la vierge d'Antonello, la scène du Ecce Homo rappelle maints Christ aux outrages, jusque dans le menton incliné et la position fléchie des jambes figurant la scène de la crucifixion.

Aparté : cela aurait pu être un film contre le rire, car tout le long, les méchants rient (sauf Judas, mais Judas n'est pas un méchant précisément, c'est le Traître). Mais la scène du passé où Jésus travaille encore en charpentier et rit de ce client snob qui veut manger sur une table haute contredit les imprécations du moine fou dans Le Nom de la Rose : Jésus riait, et toc. D'ailleurs il est très convaincant en grand gaillard, costaud, aimant la plaisanterie. On le voit mieux, du coup, chasser les marchands de volailles du Temple à coups de pied au cul. Les quelques scènes de l'Evangile intercalées me font regretter que Gibson n'ait pas tout tourné au filnal, même si quand il n'est pas abîmé, le visage du Christ est un peu trop maquillé "teint de velours du mannequin chez Vogue", merde il a couru tous les chemins de Palestine durant trois ans, il devait être un peu plus buriné que ça.

Deux beaux échanges de regards : le Christ et Barrabas, tous deux borgnes, donc un échange de regard unique, et surtout les scènes avec Simon le porte-croix, qui d'abord rouspète et ne veut rien à voir à faire avec ce criminel, et puis de plus en plus compatissant (et pour cause), pour finir le réconfortant "c'est bientôt fini" comme si c'était un chemin qu'ils allaient faire ensemble jusqu'au bout, et pour finir au Golgotha, on voit bien qu'il est pris dedans, prêt à être crucifié lui aussi, et c'est un soldat qui le réveille et le secoue "tu vois pas qu'on est arrivé ?" et alors hagard, il se retire, aussi désemparé et coquille vide que l'est Judas au fond, son rôle est fini à lui aussi, mais comment vivre normalement après ça, cette mort qu'on lui a volée ? (d'ailleurs l'évangile de Barnabé lui joue le parti du mimétisme jusqu'au bout).

Sur l'erreur des clous : pas sûre que ce soit une erreur, car le truc est hyper connu aujourd'hui, ainsi que la croix qui n'était pas en croix mais en T. Seulement comme Gibson reste fidèle en tout à l'iconographie catholique, il garde la croix parce que c'est la croix, et les paumes transpercées, à mon avis, parce que ce sont les signes des stigmates. Ce n'est pas Gibson qui va contredire Saint François d'Assise et les autres, enfin.

L'autre erreur dont tout le monde a parlé c'est le latin des Romains, qui devaient parler plus probalement le grec. Ouais, sans doute. mais la langue des troufions n'a aucune importance, pour ce qu'ils éructent, ils pourraient tout aussi bien parler bavarois, c'est l'araméen qui compte.

L'eau et le sang qui jaillissent comme la fuite d'une canalisation sous pression : très mésopotamien ça, ce sang du dieu sacrifié qui fertilise la terre. Chez les Iraniens, c'est avec les démons qu'on fait ça.

J'aime moins la scène cène avec les mots nunuches rajoutés : rien de mieux que de mourir pour ses amis, tout ça. Or le Christ ne meurt pas pour ses amis, mais pour tout le monde, en particuliers pour les affreux sales et méchants qui ont le plus à se faire pardonner.

Le corbeau, le démon encapuchonné et son chiard sénile : des petits flash plutôt médiévaux gothique tardif, pas déplaisants.

Quant à la résurrection, heureusement qu'on ne la sucre pas. J'ai le goût des happy end. Et puis nu comme un ver, on voit que le Christ a de belles fesses, et c'est à la fesse qu'on juge l'homme.

dimanche 15 janvier 2006

Voyage de l'Afrique du Nord à La Mecque

Le côté Agnan cafard, rapporteur et sermonneur d'Ibn Battûta. A Muniat Ibn Lhasîb, en Egypte, il va au hammam et s'aperçoit que les hommes y sont nus :
"Cela me fut très pénible. J'allais trouver le gouverneur et je l'en instruisis. Il m'ordonna de ne pas m'éloigner et prescrivit d'amener les locataires des bains. On leur fit signer des engagements portant que toutes les fois qu'un homme entrerait au bain sans caleçon ils seraient punis d'une amende. L'émir déploya envers eux la plus grande sévérité."

Sûr, en Syrie, il trouve qu'un habitant ne fait pas ses ablutions correctement et le reprends là-dessus, se faisant d'ailleurs envoyer bouler. Bref, Ibn Battûta c'est l'anti-Usage du monde. Il ne le parcourt pas pour s'instruire, voire se changer, mais pour l'instruire lui, et en redresser les torts. C'est étonnant qu'il n'ait pas fini assommé sur un chemin ou égorgé dans une ruelle à force de casser les pieds de tout le monde.

vendredi 13 janvier 2006

Il faut, il faut pas


Je poursuis ma lecture des Diafoirus de la théorie littéraire avec Aristote et sa Poétique. Aussi ennuyeux et détaché de toute jubilation créative que Sarraute, en fait. Toujours ce même énoncé de "il faut raconter/écrire/mettre en scène comme ça, et non comme ça". Des règles, des règles ! A l'époque hellénistique, c'était par souci d'harmonie, ce terrible diktat grec. Au 20° siècle, un autre souci l'a remplacé, celui de la modernité : "aujourd'hui on ne peut plus écrire comme ça". Donc même cascade de règles au fond arbitraires, qui a décidé que ? Même souci de verbaliser (au sens d'une contravention) le verbe. Dans la (longue !) introduction à la Poétique, on nous dit que fort heureusement, Shakespeare avait plus lu Sénèque d'Aristote. Effectivement, les règles des trois unités et de la vraisemblance auront empoisonné et desséché le théâtre français classique. Pas de navire, pas de tempête, pas d'esprit ou de nymphe, pas d'assassinat en scène, pas de folie baroque chez Racine ou Corneille ! Au lieu de ça, des acteurs statiques articulant des répliques dans une langue parfaite, ciselée, mais que finalement on peut se contenter de lire au lieu de voir. Corneille a pourtant réussi certaines pièces, l'Illusion comique, ses comédies, il aurait pu faire beaucoup mieux si on ne lui avait pas empoisonné la vie avec ces sacro-saintes règles. Qu'aurait donné le Cid avec une plus grande liberté de forme ? Et Phèdre ? Sans doute mieux que ça n'est et traduisible en plus. Car si on enlève tous les jeux de mots et passe-passe de la langue française "Pour qui sont ces serpents bla bla bla " et Ariane... fûte... mourûte", Racine est-il encore beau et emmerdant ou seulement emmerdant ? Que donne-t-il en traduction ? Shakespeare au moins, cet auteur si "vulgaire" emmène sa féerie partout avec lui.

D'ailleurs les théoriciens du "nouveau roman" on été français aussi. Il y a peut-être un mal français à être si épris de règles et de règlement. Au 17° siècle, le roman, genre commun, pas du tout noble, n'attirait pas les énonceurs de recettes "il faut, il ne faut pas". Jusqu'au 19° siècle, on foutait la paix au romancier comme à un bon feuilletonniste. Hélas, aujourd'hui il faut des romans "pensés", sur lesquels on a "réfléchi", avec une forme "qui fait sens". Toujours ce côté prof de lettres fustigeant de rouge une copie, alors que la création c'est les grandes vacances.

jeudi 12 janvier 2006

Littérature minimaliste

L'Ere du soupçon de Nathalie Sarraute. Pour un premier contact avec un auteur, ça ne m'emballe pas. Ce n'est pas que ces affirmations péremptoires et doctes m'aient indignée, toute affirmation assurée sur un processus créatif me fait sourire. Mais à chaque page tournée (et ça se lit vite) je me disais : "Oui, bon, et alors ?" Dostoïevsvky et ses héros psychologiques, Kafka et son homo absurdus ? Bof. Comme si Josef K. n'était pas bourré de failles psychologiques. Si les personnages de Dostoïevsky sont des hystériques passionnés, Josef K. est un joli mélange de phobique sociale et d'obsédé compulsif. Quant à ce qui est dit sur la fin du roman, l'impossibilité ou la gêne pour les jeunes écrivains d'écrire un dialogue maintenant (les maintenant qui sonnent comme des désormais me font toujours rire aussi)... Toutes ces remarques ne sont pas fausses, mais ça ne débouche sur pas grand-chose, sauf à dire que finalement Camus a triché dans L'Etranger. Naturellement, une certaine gêne aux entournures à discuter du roman américain, à se servir du roman américain, qui s'il n'est pas "psychologique" (et ça reste à démontrer) n'est pas franchement le roman d' l'homo absurdus, ni celui de la fin des dialogues. Ou alors elle n'a lu que Faulkner.

Et tout cela pour aboutir à quoi ? Aujourd'hui le roman français est en majorité très emmerdant et l'aventure, le souffle épique, le rêve, cette faculté formodable de créer des mondes, on les trouve chez les Anglo-saxons (Egolff), les Hispaniques (Fuentès), les Albanais, les Indiens, enfin tout ce qui continue à utiliser le roman comme une bonne vieille recette : bonne histoire et/ou personnages qui crèvent la page. Il fait vraiment être Français pour avoir le Goncourt en racontant Trois jours chez ma mère. Littérature accomplie et sûre de petit maître, très bien faite, très bien rodée, grande maîtrise atteinte dans le genre confessions intimistes, mais où sera la passion d'écouter et d'être emporté dans une histoire ?

Finalement le succès de Harry Potter s'explique aussi pour ça : Nous voulons des livres qui nous aident à marcher nous-même vers le déraisonnable.

lundi 9 janvier 2006

On s'en fout

Le chef Marc Veyrat est tombé de ses skis.

Marin à terre


"Moi, le matelot, là, sur mon rivage
posé sur un blanc et dur fleuve offrant
son bras à certaine mer andalouse,

je me vois en rêve à bord d'un navire,
je suis amiral et je fends les flots
sous le feu solaire et la lune froide.

Les glaces du Sud ! Les îles polaires
du septentrion ! Blancheur printanière
nue sur les glaciers et transie de froid,

corps de roche et coeur de cristal fragile !
L'été tropical, rouge, incandescent,
sous la huppe bleue coiffant le palmier !

Mon rêve arborant médailles des mers
va sur son vaisseau, ferme et assuré,
tout amour pour une verte sirène,

coquille des fonds de l'eau ténébreuse.
Matelot, rends-moi au creux de ces ondes :
- Sirène jolie, ah ! je t'en supplie !

De ta grotte sors, je veux t'adorer,
de ta grotte sors, viens, vierge semeuse,
semer sur mon coeur ton étoile vive.

Le corps de l'aurore flotte maintenant
sur le plateau bleu de ces océans
et les traits du ciel déjà se carminent.

Laisse le cristal de ta main se fondre
dans la nivéenne urne de mon front,
algue de nacre qui chantes en vain

sous le verger indigo du courant.
Noces, glaciales noces sous-marines
avec pour témoins la lune de l'eau

et l'ange nautonier de la rosée !
Mer et terre et vent je vais sillonner,
ma sirène, noué à tes cheveux fins,

lié à tes cheveux algides et verts.
Arbore à tes mâts mes blancs pavillons,
matelot ! devant cette pleine aurore

et que roule en mer ta conque de mer !

Rêve du marin.
Sur ton vaisseau - verte plinthe d'algues marines,
de mollusques, d'écailles, d'émeraude stellaire -,
ô capitaine des vents et des hirondelles,
on t'a vu décoré par un paquet de mer.

Pour toi les littoraux, fronts de serpents, entonnent
quand passe ta charrue leur louange : - Transmets-nous,
homme libre, marin qui déclines les mers,
les radiogrammes de ton Etoile Polaire.

Bon matelot, marin, fils des larmes du nord
et citron du midi, pavillon de la cour
écumeuse des vagues, chasseur de sirènes,

nous te demandons tous, rivages amarrés
ici-bas, de nous emporter dans le sillon
profond de ton navire, libres de nos chaînes.

A un capitaine de navire.

Rafael Alberti.

On s'en fout

Mitterrand est mort.

dimanche 1 janvier 2006

Le concept d'histoire


"L'époque moderne, avec son aliénation du monde croissante, a conduit à une situation où l'homme, où qu'il aille, ne rencontre que lui-même. Tous les processus de la terre et de l'univers se sont révélés faits par l'homme, réellement ou potentiellement. Ces processus, après avoir dévoré, pour ainsi dire, l'objectivité solide du donné, ont fini par retirer son sens, et par agir, d'une certaine manière comme l'espace-temps éternel dans lequel ils pouvaient tous s'écouler et être ainsi délivrés de leurs conflits mutuels et de leur incompatiblité. C'est ce qui s'est produit pour notre concept d'histoire, comme pour notre concept de nature. Dans cette situation d'aliénation du monde radicale, ni l'histoire ni la nature ne sont plus du tout concevables. Cette double disparition - la disparition de la nature et celle de l'artifice humain au sens le plus large, qui inclurait toute l'histoire - a laissé derrière elle une société d'hommes qui, privés d'un monde commun qui les relierait et les séparerait en même temps, vivent dans une séparation et un isolement sans espoir ou bien sont pressés ensemble en une masse. Car une société de masse n'est rien de plus que cette espèce de vie organisée qui s'établit automatiquement parmi les êtres humains quand ceux-ci conservent des rapports entre eux mais ont perdu le monde autrefois commun à eux tous."


Dans la vie on prend toujours le mauvais chemin au bon moment. Dany Laferrière.