vendredi 27 avril 2007

La mystique chez les pigeons



Lorenz s'oppose à l'idée que le comportement animal est purement réactif, et montre que le système nerveux central, s'il en est privé, peut produire lui-même ses stimuli, d'où l'apparition de "comportement spontané" chez les espèces.


"Craig s'est livré à une série d'expériences avec des couples de colombes rieuses. Il sépara le mâle de la femelle pendant des périodes de plus en plus longues et vérifia expérimentalement quels étaient, après chaque période de privation, les objets qui suffisaient à déclencher la danse d'amour du mâle. Quelques jours après la disparition de la femelle de sa propre espèce, le mâle était prêt à courtiser une colombe blanche qu'il avait ignorée auparavant. Quelques jours de plus et il s'inclina et roucoula devant un pigeon empaillé, puis, devant un morceau de tissu enroulé et finalement, après plusieurs semaines de solitude, il prit comme objet de son jeu d'amour le coin vide de sa cage où la convergence des lignes droites offrait au moins un point de fixation optique. Physiologiquement parlant, ces observations montrent que lorsqu'un comportement instinctif - en l'occurence la danse d'amour - est arrêté pendant un temps prolongé, le seuil des stimuli qui le déclenche, s'abaisse. C'est un fait si général et qui se produit avec une telle régularité que la sagesse populaire s'en est emparée depuis longtemps et l'exprime dans le proverbe : "Faute de grives on mange des merles." Goethe fait dire à Méphisto : "Avec ce filtre dans les veines, tu verras bientôt Hélène dans chaque femme;" or, si tu es un pigeon mâle, tu peux voir Hélène même dans un torchon ou dans le coin vide de ta prison."


Konrad Lorenz, L'agression : une histoire naturelle du mal, chap. IV, La spontanéité de l'agression.


Or c'est peut-être là le fondement de toute extase mystique provoquée par l'ascèse. Privé d'amour, l'ascète finit par se livrer à sa danse érotique dans le coin vide de sa cellule. On enlève la femme, on enlève la pin-up du calendrier, on enlève le torchon et voilà qu'apparaît Dieu. Naturellement tout cela ne poserait aucun problème à un gnostique, par exemple néoplatonicien, ou un soufi qui n'y verrait que cheminement vers le vrai monde, en se dépouillant d'illusions ici-bas, étape par étape, maqam par maqam. Il leur faudrait seulement admettre qu'un animal est plus doué qu'un humain pour l'extase.

3 commentaires:

  1. Anonyme11:01 PM

    "si tu es un pigeon mâle, tu peux voir Hélène même dans un torchon ou dans le coin vide de ta prison."

    C'est grand!

    RépondreSupprimer
  2. Pseudo savants, vrais sadiques, fichez la paix aux animaux!

    RépondreSupprimer
  3. Anonyme10:37 PM

    C'est d'un connerie inouïe ce texte

    RépondreSupprimer

Dans la vie on prend toujours le mauvais chemin au bon moment. Dany Laferrière.