mercredi 30 janvier 2008

Soufisme et connaissance

1 : "De l'affirmation de la Connaissance."

Des vertus du silence et du bavardage (ce qui vaut aussi pour ce blog ) : "Les sages aspirent à savoir, et les sots à raconter." Anas ibn Malik.

Dans ta face : "Un individu, qui désirait passer pour instruit et orthodoxe, mais, qui, en réalité, était dépourvu de connaissance et de religion, me dit une fois, au cours d'un débat : "Il y a douze sectes hérétiques et l'une d'elles se trouve parmi ceux qui professent le soufisme (mutasawwifa)." Je répondis : "Si une secte nous appartient, onze vous appartiennent, et les soufis peuvent mieux se protéger d'une seule secte que vous ne le pouvez de onze."

2 : De la pauvreté.

"Histoire : Un derviche rencontra un roi ; le roi dit : "Demande-moi une faveur." Le derviche répondit : "Je ne demanderai pas une faveur à l'un de mes esclaves." - Comment cela ? dit le roi. Le derviche dit : "J'ai deux esclaves qui sont tes maîtres : la cupidité et l'attente."

"L'auteur dit : J'ai entendu dire que Abû-l-Qâsim Qushayrî - Dieu lui fasse miséricorde ! - a dit : "Les gens ont beaucoup parlé de la pauvreté ou de la richesse et ont choisi l'une ou l'autre pour eux-mêmes, mais je choisis l'état, quel qu'il soit, que Dieu choisit pour moi et en lequel Il me garde ; s'Il me garde riche, je ne serai pas oublieux, et s'Il désire que je sois pauvre, je ne serai pas envieux ni révolté." La richesse et la pauvreté sont toutes deux des dons divins : la richesse est corrompue par l'oubli, la pauvreté par la convoitise. Ces deux conceptions sont excellentes, mais elles diffèrent dans la pratique. La pauvreté est la séparation du coeur de tout ce qui est autre que Dieu ; et la richesse est la préoccupation du coeur pour tout ce qui ne peut être qualifié. Quand le coeur est purifié, la pauvreté n'est pas meilleure que la richesse ni le contraire. La richesse est l'abondance des biens terrestres et la pauvreté est l'absence de ces biens ; tous les biens appartiennent à Dieu : quand le chercheur renonce à la propriété, l'antithèse disparaît et les deux termes sont transcendés."

(Auto ?)moquerie subtile sur les cartes routières des voies et des maqams :

"Quelle tâche sans fin et quelle route difficile ! Les mortels ne deviennent jamais éternels pour être unis à Lui ; les éternels ne deviennent jamais éternels, pour approcher de Sa présence. Tout ce que les amoureux font et subissent n'est que mise à l'épreuve ; mais, afin de se consoler, ils ont inventé un langage qui sonne bien et ils ont énuméré des "stations" et des "étapes" et un "sentier."

Principe fondateur de la Voie du Blâme : fuir les louanges. Même si vous êtes loués pour ce que vous êtes, c'est déjà mieux qu'être loué sans mérite, mais ça reste pas grand-chose, au fond... On peut mieux faire :

"L'homme le plus vil est celui dont on croit qu'il est soumis à Dieu, mais qui en réalité ne l'est pas ; et le plus noble est celui dont on ne croit pas qu'il est soumis à Dieu, mais qui en réalité l'est."

Ce qui confirme cette intuition que le derviche, l'errant, doit aboutir à ce que la route le parcourt, lui, et non plus qui parcourt la route :

"L'état de derviche, dans toutes ses significations, est une pauvreté métaphorique et, au sein de tous ses aspects subordonnés, il se trouve un principe transcendant. Les mystères divins vont et viennent sur le derviche, de sorte que ses affaires sont acquises par lui-même, ses actions attribuées à lui-même, et ses idées attachées à lui-même. mais quand sont libérées ses liens des affaires de l'acquisition, ses actions ne sont plus attribuées à lui-même. Alors il est la Voie, non le voyageur, c'est-à-dire, le derviche est un lieu sur lequel quelque chose passe, non un voyageur suivant sa propre volonté. Il ne tire rien vers lui-même, ni ne s'écarte de lui-même : tout ce qui laisse trace sur lui appartient à l'essence."

3 : Du soufisme.

"le chercheur de phénomènes est aussi un chercheur de soi-même; et son action provient de lui-même et par lui-même et il ne peut trouver aucun moyen pour échapper à lui-même." D'où nécessité de "fermer les yeux au monde phénoménal".



4 : Du port des frocs rapiécés

"il ne peut y avoir qu'un seul champion dans une multitude, et dans chaque secte les adeptes authentiques sont rares."

"Pour le véritable mystique, il n'y a pas de différence entre le manteau porté par les derviches et celui (qabâ) porté par les gens ordinaires."

"Les soufis sont trop grands pour avoir besoin d'un vêtement qui les distingue."


La cible favorite de Hujwirî ? Les soufis eux-mêmes, du moins ceux qui prétendent l'être et paradent dans leurs guenilles comme des paons :


"La muraqqa'a doit être coupée en vue des aises et de la légèreté, et quand l'étoffe originelle est déchirée, il faut y ajouter une pièce. Certains disent qu'il n'est pas convenable de coudre la pièce finement et soigneusement, et que l'aiguille doit être piquée à travers le tissu au hasard, et qu'il ne faut prendre aucune peine. D'autres disent que les points doivent être droits et réguliers, et que la pratique des derviches impose de maintenir les points droits et de soigner la couture ; car une pratique ferme témoigne de principes solides.


Or, moi, Alî ibn 'Uthmân al-Jullabî, j'ai interrogé le grand sheykh Abû'l-Qâsim Gurganî à Tûs, disant : "Quelle est la moindre chose nécessaire pour un derviche afin qu'il puisse devenir digne de la pauvreté ?" Il répondit : "Un derviche ne doit pas posséder moins que ces trois choses : tout d'abord, il doit savoir comment coudre une pièce correctement ; deuxièmement, il doit savoir comment écouter correctement ; troisièmement, il doit savoir comment poser son pied sur le sol correctement." Un certain nombre de derviches étaient présents avec moi lorsqu'il prononça ces paroles. Dès que nous arrivâmes à la porte, chacun d'eux se mit à appliquer ces mots à son propre cas, et quelques ignorants s'en emparèrent avec avidité. "Cela, s'écrièrent-ils, c'est vraiment la pauvreté", et la plupart d'entre eux se hâtaient pour coudre des pièces élégamment et pour poser leurs pieds sur le sol correctement ; et chacun d'eux s'imaginait qu'il savait comment écouter des propos concernant le soufisme."


"Le shaykh Muhammad ibn Khafîf porta un vêtement de lainage grossier (palâs) durant vingt années, et chaque année il avait coutume de se livrer à quatre jeûnes d'une durée de quarante jours (chilla) et, tous les quarante jours, il rédigeait un ouvrage sur les mystères des sciences des vérités divines. De son temps, il y avait un vieil homme, l'un des adeptes instruits dans la Voie (tarîqa) et la Vérité (haqîqa), qui résidait à Pars dans le Fars et était appelé Muhamamd ibn Zakariyya. Il n'avait jamais porté une muraqqa'a. On demanda au shaykh Muhammad ibn Khafîf : "Qu'implique le port d'une muraqqa'a et qui est autorisé à s'en vêtir ?" Il répondit : "Cela implique les obligations remplies par Muhammad ibn Zakariyya dans sa chemise blanche, et le port d'un tel habit lui est permis."

Hujwirî, Somme spirituelle, I, Soufisme et connaissance, trad. Djamshid Mortazavî

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Dans la vie on prend toujours le mauvais chemin au bon moment. Dany Laferrière.