jeudi 25 septembre 2008

"Mais voici l'heure de nous en aller, moi pour mourir, vous pour vivre"

"Soyez persuadés que, si vous me faites mourir, sans égard à l'homme que je prétends être, ce n'est pas à moi que vous ferez le plus de mal, c'est à vous-mêmes. Car pour moi, ni Mélètos, ni Anytos ne sauraient me nuire, si peu que ce soit. Comment le pourraient-ils, s'il est, comme je le crois, impossible au méchant de nuire à l'homme de bien ? Ils pourront peut-être bien me faire condamner à la mort ou à l'exil ou à la perte de mes droits civiques, et ce sont là, sans doute, de rgands malheurs aux yeux de mes accusateurs et de quelques autres peut-être ; mais moi, je ne pense pas ainsi : je considère que c'est un mal bien autrement terrible de faire ce qu'ils font, quand ils entreprennent de faire périr un innocent. Aussi, Athéniens, ce n'est pas, comme on pourrait le croire, pour l'amour de moi que je me défends à présent, il s'en faut de beaucoup ; c'est pour l'amour de vous ; car je crains qu'en me condamnant vous n'offensiez le dieu dans le présent qu'il vous a fait. Si en effet, vous ne trouverez pas facilement un autre homme qui, comme moi, ait été littéralement, si ridicule que le mot puisse paraître, attaché à la ville par le dieu, comme un taon à un cheval grand et généreux, mais que sa grandeur même alourdit et qui a besoin d'être aiguillonné. C'est ainsi, je crois, que le dieu m'a attaché à la ville : je suis le taon qui, de tout le jour, ne cesse de vous réveiller, de vous conseiller, de morigéner chacun de vous et que vous trouvez partout, posé près de vous. Mais peut-être, impatientés comme des gens assoupis qu'on réveille, me donnerez-vous une tape, et, dociles aux excitations d'Anyntos, me tuerez-vous sans plus de réflexion ; après quoi vous pourrez passer le reste de votre vie à dormir, à moins que le dieu, prenant souci de vous, ne vous envoie quelqu'un pour me suppléer."



La mort de Socrate
Giambettino Cignarolli
huile sur toile- Budapest,musée des Beaux-Arts


"Mais voici l'heure de nous en aller, moi pour mourir, vous pour vivre. Qui de nous a le meilleur partage, nul ne le sait, excepté le dieu."

Apologie de Socrate, Platon ; trad. Emilé Chambry.

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Dans la vie on prend toujours le mauvais chemin au bon moment. Dany Laferrière.