mardi 17 février 2009

Sur l'existence comme Présence



"Mais, tout philosophe le sait, ce qu'il y a au fond de la thèse qui refuse à l'être en tant qu'étant d'exister, c'est que l'exister est un mode d'être propre, celui-là même qui constitue la présence de l'homme à son monde (son Dasein, son être à ce monde). L'essence de son être à ce monde, de sa Présence, consiste justement dans son ex-sistence, mais une sistence qui surgit non pas ex alio, mais d'un néant et d'un abîme de silence. Plus cette présence ex-siste, plus cette ex-sistence est présente, plus authentiquement elle existe pour la fin qui est son non-être originel. L'être de cette ex-sistence n'est que de l'être pour finir, de l'être-pour-la-mort. C'est ici, je crois, qu'éclate le contraste des mots et des visions que les mots sont chargés de traduire. Car nous venons de voir que, chez Mollâ Sadrâ aussi, plus il y a existence, plus il y a présence. Cela veut dire, il l'explique lui-même, que le Ciel astronomique, par exemple, n'est pas présent pour la Terre (la masse tellurique) ; rien de ce qui appartient au monde du phénomène (à la matière, à l'étendue, au volume corporel, à la distance spatiale) ne peut être présent à quelque chose d'autre. Un être n'est présent à soi-même, n'est présent à un autre, et un autre ne lui est présent, bref, il n'y a présence d'un être à soi-même et à un autre que dans la mesure où cet être se sépare (tajrîd) des conditions de ce monde soumis à l'étendue, au volume, à la distance, à la durée. Mais plus il s'en sépare, plus il se sépare de ce qui conditionne l'absence, l'occultation (ghaybat), la mort ; plus, par conséquent, il se libère des conditions de l'être qui est destiné à finir, de l'être-pour-la-mort. Pour Mollâ Sadrâ et tous les Ishraqîyûn, plus intense est le degré de Présence, plus intense est l'acte d'exister ; et dès lors aussi, plus cet exister est exister (c'est-à-dire être) pour au-delà de la mort, car aussi plus un être comble aussi son retard (ta'akhkhor) sur la Présente totale."

Henry Corbin, Introduction au Le Livre des pénétrations métaphysiques de Mollâ Sadrâ Shirazî, IV, Aperçu philosophique, 2, Sur l'existence comme Présence.

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Dans la vie on prend toujours le mauvais chemin au bon moment. Dany Laferrière.