mardi 7 avril 2009

Comment le Christ apparut à Frère Jean de l'Alverne


Lucas Cranach l'Aîné, c.p.

Où l'on reconnait le sadisme pédagogique des murshids, surtout de la part du meilleur, du plus intransigeant, du plus aimant, du moins sentimental, du plus original d'entre eux :

"A la fin, quand il plut à Dieu d'avoir assez éprouvé sa patience et enflammé son désir, un jour que frère Jean allait, en telle affliction et tribulation, à travers ladite forêt, et qu'il s'était assis de lassitude, appuyé à un hêtre, et qu'il demeurait, la face toute baignée de larmes, regardant vers le ciel, voici que tout à coup Jésus-Christ apparut près de lui dans le sentier par lequel ce frère Jean était venu, mais il ne disait rien. Frère Jean le voyant et reconnaissant bien que c'était le Christ, se jeta aussitôt à ses pieds, et avec des gémissements démesurés, il le priait très humblement et disait : "Secours-moi ô mon Seigneur, car sans toi, mon très doux Sauveurs, je suis dans les ténèbres et dans les pleurs ; sans toi, très doux Agneau, je suis dans les angoisses et dans les pleurs ; sans toi, Fils du Dieu très haut, je suis dans la confusion et dans la honte ; sans toi, je suis dépouillé de tout bien et aveuglé, car tu es Jésus la vraie lumière des âmes ; sans toi, je suis perdu et damné, car tu es la vie des âmes et et la vie des vies ; sans toi, je suis stérile et aride, car tu es la source de tout don et de toute grâce ; sans toi, je suis tout désolé, car tu es Jésus notre rédemption, notre amour, notre désir, pain qui réconforte et vin qui réjouit les choeurs des anges et les coeurs de tous les Saints. Eclaire-moi, maître très gracieux et pasteur très pitoyable, parce que je suis, quoique très indigne, ta petite brebis.

Mais parce que le désir des hommes saints, que Dieu diffère d'exaucer, les enflamme à plus grand amour et mérite, le Christ béni partit sans l'exaucer et sans rien lui dire, il s'en va par ledit sentier. Alors, frère Jean se lève et court derrière lui, et de nouveau se jette à ses pieds, et avec une sainte importunité le retient, et avec de très dévotes larmes le prie et dit : "O très doux Jésus, aie pitié de moi dans ma tribulation ; exauce-moi par l'abondance de ta miséricorde et de ton salut ; rends-moi la joie de ton visage et de tes regards pitoyables, car toute la terre est pleine de ta miséricorde." Et le Christ s'en va encore, et ne lui dit rien, et ne lui donne aucune consolation ; et il agit comme une mère avec son petit enfant, quand elle lui fait désirer la mamelle, et le fait venir derrière elle en pleurant, pour qu'il la prenne ensuite plus volontiers." Les Fioretti de saint François.

J'aime beaucoup l'expression "avec une sainte importunité".

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Dans la vie on prend toujours le mauvais chemin au bon moment. Dany Laferrière.