jeudi 23 juin 2011

Plebs Media



Dans son introduction à La Société romaine, qui est une étude sur la "classe moyenne" et notamment ses sources de revenus, Paul Veyne prend en exemple son illustre homonyme (voire saint patron) :

Saint Paul, à Tarsem n'était pas un humble tisserand : ce citoyen romain était un industriel.

et il cite, en bas de page, W. A. Meeks, (The First Urban Christians, 1983, Yale) :

"Paul se prévaut, dans sa Première Épître aux Corinthiens, 4, 12, de gagner sa vie de ses propres mains ; c'est révélateur : un pauvre n'aurait pas pensé que travailler de ses mains méritât une remarque spéciale. Paul avait été formé pour être propriétaire ou manager."

De même son entourage :

Dans la lointaine colonie latine de Corinthe, saint Paul vit dans un entourage tantôt populaire, tantôt plus bourgeois ; une moitié environ des personnages que ses épîtres nous font connaître appartiennent à la classe moyenne : ils possèdent une maison, ils voyagent,  ils occupent un office à la synagogue."

De ce fait, quand on lit ce qu'il donne comme définition très large de pauper (qui peut tout aussi bien vouloir dire classe moyenne, petite bourgeoisie), on peut supposer que le christianisme, loin d'être la religion des miséreux et des esclaves, a d'abord été une religion de la plèbe moyenne (plebs media).

Il mentionne aussi la "riche tunique" que portait le Christ lors de sa crucifixion, "sans couture". Habit de fête peut-être (c'était Pâques après tout) ou bien 'allégorie' qui collait au psaume 22 ; et puis, il avait des relations dans de bonnes maisons, on peut supposer que de riches adeptes se chargeaient de l'habiller.

Mais que ce soit pour Pierre et son frère (dont le père semble posséder sa barque) ou le métier de charpentier de Jésus, si l'on soumet cette imagerie de "classe populaire et laborieuse" à celle de la plebs media, s'agissaient-ils de modestes artisans ou ouvriers ou bien de petits patrons, à la tête de leur entreprise ? Je ne connais pas bien la société juive au temps de l'occupation romaine, mais les qualificatifs de 'foule ignorante', ou de 'gens du peuple', ou de 'pauvres' , etc., dans la société gréco-romaine, ne voulaient pas forcément dire qu'il s'agissait de 'miséreux'. Le christianisme, religion de la middle-class? Ce qui est aussi frappant, c'est la culture 'hédoniste' de cette plebs media : carpe diem, jouis des plaisirs de la vie et de tes biens tant que tu le peux encore, la mort te privera de tout. Rien n'est plus opposé à cela que le christianisme, et c'est pourtant ce milieu qu'il va pénétrer. 

Dans la vie on prend toujours le mauvais chemin au bon moment. Dany Laferrière.